Vjosa Osmani transfigure le Kosovo

Vjosa Osmani et Albin Kurti en meeting à Prizren, février 2021 @ LS

La Tribune de Genève – 06.04.2021 – Article

L’élection à la tête de l’État de la juriste marque un vrai tournant pour la jeune république.

C’est un visage qui incarne de grands espoirs de changements. Élue par le parlement kosovar dimanche soir, Vjosa Osmani est devenue, ce mardi, la deuxième femme à prendre les fonctions de présidente du jeune État balkanique, déclaré indépendant de la Serbie en 2008. Oser!, le nom de son mouvement politique, résume l’état d’esprit que veut insuffler cette juriste de 38 ans à une société qui a trop longtemps souffert des réflexes clientélistes et des discriminations. Combative, Vjosa Osmani fait de son parcours personnel un exemple pour les femmes du pays, afin de les pousser à déranger les mentalités patriarcales et à s’émanciper.

«Peu importent les quantités d’argent que l’on investit, la corruption ne peut pas être combattue par les corrompus.»Vjosa Osmani, nouvelle présidente du Kosovo

Après l’élection, les premiers mots de cette mère de deux jumelles sont d’ailleurs allés aux jeunes femmes du Kosovo. «Les filles ont le droit d’être là où elles le veulent», a-t-elle ainsi lancé dimanche soir, très émue, dans l’enceinte du parlement. «Tout est possible et n’importe lequel de vos rêves peut devenir réalité si vous vous battez pour cela.»

Elle qui n’a pas hésité à tenir tête aux vieux briscards de son ancien parti, la Ligue démocratique du Kosovo (LDK), savoure sa victoire. Lors des élections législatives du 14 février, elle s’est associée au chef de gauche, Albin Kurti, pour renverser la vieille classe politique du pays, lors d’un scrutin qualifié de «raz-de-marée électoral» par la presse. La liste Vetevendosje, menée par ce duo charismatique, a remporté plus de 50% des voix et 58 des 120 sièges du parlement: de quoi engager une profonde transformation du pays.

Besoin de justice

Par ses précédentes fonctions de présidente du parlement ou son intérim à la présidence de la République, la nouvelle cheffe d’État a déjà marqué de son empreinte l’histoire récente du Kosovo. Lors des meetings menés au pas de course pendant la campagne de février, Vjosa Osmani a pu mesurer sa forte popularité, acclamée partout par la jeunesse, qui scandait son prénom. Son nom a rassemblé plus de 300’000 voix, un record depuis l’indépendance.

Son image de politicienne incorruptible, cette experte en droit international formée aux États-Unis l’a forgée par sa défense constante de l’État de droit. Vjosa Osmani s’est notamment opposée avec force à l’impunité des anciens commandants de guerre qui ont dirigé le pays ces vingt dernières années. «Peu importent les quantités d’argent que l’on investit, la corruption ne peut pas être combattue par les corrompus, le crime ne peut pas être combattu par ceux qui investissent aussi dans le crime», nous confiait-elle ainsi en 2019. «La première chose dont nous avons besoin est que ce pays soit représenté par des gens aux mains propres, par des gens crédibles. Nous avons besoin d’une nouvelle génération qui n’a pas seulement été éduquée dans les valeurs occidentales, mais qui ramène ces valeurs occidentales dans les institutions du Kosovo.»

Le fléau du chômage

Aujourd’hui au sommet de l’État, cette polyglotte qui veut rassembler le pays devra relever le plus gros défi de sa carrière en répondant rapidement aux immenses attentes de 1,8 million de Kosovars. La nouvelle majorité dirigée par le premier ministre, Albin Kurti, dispose aujourd’hui de toutes les institutions pour résoudre la crise sanitaire. La présidente et le chef du gouvernement devront surtout satisfaire les désirs de justice des citoyens et s’attaquer au fléau du chômage, qui pousse la jeunesse à émigrer, notamment vers la Suisse.

Déjà moquée par ses adversaires pour son supposé manque de vision politique, Vjosa Osmani s’est montrée ferme sur la question du dialogue avec Belgrade, qui ne reconnaît toujours pas l’indépendance de son ancienne province du sud. «La paix ne sera atteinte que lorsque nous observerons des remords et des excuses de la part de la Serbie, et que justice sera rendue pour ceux qui ont souffert de ces crimes», a déclaré la nouvelle présidente.

Le reportage original sur le site de La Tribune de Genève.

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