République de Korçë : cent ans après, que reste-t-il du « petit Paris » d’Albanie ?

Panorama de la ville du cimetière des martyrs @ LS
Panorama de la ville du cimetière des martyrs @ LS

Courrier des Balkans – 10.12.2016 – Article

Les Albanais sont fiers de leur « petit Paris », le surnom qu’ils ont donné à la ville de Korçë. Le 10 décembre 1916, en pleine Première Guerre mondiale, la France y a mis en place une République autonome en vue de la bataille décisive qui allait se jouer en Macédoine. Reportage un siècle plus tard, à la recherche de ce qui reste de la présence française dans ces confins montagneux.

L’histoire de Korçë est liée à l’Empire ottoman, qui a occupé la ville dès 1440. C’est à la fin du XVIIIe siècle, que Korçë supplanta sa fameuse voisine Voskopoja, et ses 24 églises. La ville possède une cathédrale orthodoxe et une grande mosquée du Xve siècle. Korçë fut l’un des centres de la renaissance albanaise.

La rue du 10 décembre fait référence à l’instauration de la République autonome de Korçë en 1916. Ce petit État éphémère, qui se voulait la continuité de l’État albanais déclaré un peu plus de quatre ans plus tôt, a disparu avec le départ des Français le 5 juin 1920. Cette présence française vaut à la ville de Korçë le surnom de « petit Paris ». Elle se distingue des autres villes albanaises par son organisation et ses rues pavées qui font la fierté des habitants.

Professeur de littérature albanaise à la retraite, Kristaq Jorgji, 84 ans, est l’un des gardiens de la mémoire de la ville. Il collectionne les souvenirs de la République de Korçë, sur laquelle il est intarissable. Son seul regret : ne jamais avoir réussi à trouver de photo du colonel Descoins, le militaire français qui a soutenu activement la fondation de la république autonome.

Le cimetière français, aménagé en 1938, est un lieu de mémoire incontournable de Korçë. Sur les poteaux qui encadrent la porte d’entrée figure l’inscription, en albanais et en français, « 640 soldats morts pour la patrie ». Les nombreux noms maghrébins, africains, indochinois qui ornent les croix témoignent de la présence des troupes coloniales engagées sur le Front d’Orient.

La statue de Themistokli Gërmenji a bonne place sur le boulevard de la République. Ce patriote albanais, né dans une famille orthodoxe de Korçë en 1871, instaura la République autonome avec le soutien de l’Armée d’Orient. Il fut exécuté le 7 novembre 1917 après un procès expéditif l’ayant reconnu coupable de haute trahison. L’ouverture des archives historiques en 2017 devrait permettre de mieux comprendre les circonstances de sa condamnation.

Kiço Xega est l’un des personnages essentiels de la francophonie à Korçë. Professeur de français à la retraite, il dirige la petite Alliance française. Il se souvient avec émotion du début des années 2000, quand « le français était la seule langue correctement enseignée dans le pays ». Depuis, l’anglais, l’italien et même l’allemand l’ont supplanté.

Communément appelé « le vieux Lycée », l’ancien lycée français est le symbole de la présence française à Korçë. Situé à deux pas de la cathédrale orthodoxe, il a formé toute l’élite intellectuelle albanaise de l’entre-deux-guerres. Enver Hoxha y fut élève puis enseignant. Aujourd’hui, le bâtiment accueille un lycée technique.

Sara le reconnaît, c’est « un peu par hasard » qu’elle a « commencé à apprendre le français ». Mais aujourd’hui, cette excellente élève de la classe bilingue albanais-français du lycée Raqi Qirinxhi envisage de poursuivre ses études dans une université en France.

Marcel prépare les fameux byreks de Korçë. Comme la majorité des Korçarë, il ne parle pas français et assure que « l’histoire du ’petit Paris’ appartient au passé ». La période française de la ville et les années qui ont suivi restent dans l’imaginaire des habitants comme la période la plus faste de la ville.

Arian tient une boutique de tissus dans le vieux marché, dont la rénovation a été financée par l’Union européenne. Après avoir arrêté l’école très jeune, il parti travailler en Grèce « pour gagner plus d’argent ». Il ne sait pas grand chose de l’histoire de la République de Korça. Selon lui, « le ’petit Paris’ et la langue française sont depuis toujours l’affaire des gens éduqués ».

La bâtisse de la rue piétonne principale où les drapeaux albanais et français ont été hissés ensemble le 10 décembre 1916 tombait en ruine. Elle a été récemment détruite. Elle devrait être reconstruite à l’identique, mais personne à Korçë ne semble en être vraiment sûr.

Le reportage original ici (abonnés).

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