Football en Albanie : au KF Skënderbeu de Korçë, un « loup des neiges » venu du Mali

Bakary Nimaga devant le stade du Skenderbeu à Korçë @ LS
Bakary Nimaga devant le stade du Skenderbeu à Korçë @ LS

Courrier des Balkans – 12.06.2017 – Article

Bakary Nimaga est l’un des joueurs vedettes de la superliga albanaise. Voilà près de quatre ans que le jeune malien de 22 ans anime le jeu offensif des « loups des neiges » du KF Skënderbeu Korçë. Ce francophone souriant et ambitieux nous parle de son vécu dans le « petit Paris d’Albanie ».

Le Courrier des Balkans (C.d.B.) : Peux-tu nous présenter ton parcours, avant ton arrivée au KF Skënderbeu Korçë en 2013 ?

Bakary Nimaga (B.N.) : Grâce à mon oncle, j’ai débuté encore enfant au Stade malien de Bamako, le plus grand club du Mali. À quinze ans, j’ai joué pour les minimes de la sélection nationale. C’est à cette période que le directeur sportif allemand de l’équipe m’a repéré et a demandé à me voir. J’ai été ponctuel au rendez-vous, ce qui lui a beaucoup plu. Au Mali, habituellement, personne n’est à l’heure (rires) ! Il est devenu en quelque sorte mon manager et m’a envoyé dans un centre de formation en Afrique du Sud. Quelques mois plus tard, je suis parti pour le F.C.Twente au Pays-Bas, un de leur club partenaire. Mais je n’avais que 17 ans et ils m’ont dit qu’il fallait que je termine ma formation en Afrique. Comme mon manager avait des relations avec le président du KF Skënderbeu, on l’a convaincu que c’était plus intéressant pour moi de rester en Europe et de venir jouer dans la meilleure équipe d’Albanie.

C.d.B. : Avant ton arrivée ici, avais-tu entendu parler de l’Albanie ?

B.N. : Non, je ne connaissais rien de l’Albanie ! Je ne savais même pas que c’était en Europe ! Je pensais que c’était dans les pays arabes. Quand j’ai cherché des informations sur Korçë, j’ai surtout vu la neige et j’ai hurlé ! (rires).

“« Mes débuts ici ont été très difficiles, c’était la misère. »”

C.d.B. : Les hivers sont rudes à Korçë. Comment s’est passée ton installation ici ? As-tu été bien accueilli ?

B.N. : Heureusement, j’avais déjà vu la neige à Johannesburg. Mais quand je suis arrivé à Korçë, c’était en janvier, je n’avais jamais connu un froid pareil ! Je dormais avec quatre couvertures (rires) ! Mes débuts ici ont été très difficiles, c’était la misère. Et pas seulement à cause du climat. Comme je commençais, je devais faire mes preuves. Quatre mois après mon arrivée et à tout juste 18 ans, j’étais titulaire pour jouer des matchs très important, comme contre le F.C.Tchernomorets d’Odessa. La qualification pour la Ligue des champions était en jeu, il y avait beaucoup de pression car c’était une première pour une équipe albanaise.

Malheureusement j’ai raté le huitième tir au but. Tout le monde m’en a voulu à Korçë car la qualification représentait beaucoup d’argent pour le club. Le président, le staff, les gens dans la rue, tout le monde voulait me tuer ! À cause de ce tir au but, même si je donnais le meilleur de moi même à l’entraînement, j’ai très peu joué dans les mois qui ont suivi. En plus, à cette période mon père est décédé et j’ai également connu une blessure, c’était les moments les plus durs de ma vie.

C.d.B. : Quand est-ce-que le vent a-t-il tourné pour toi ?

B.N. : Les choses ont commencé à changer au bout de huit mois. J’ai enfin rejoué pour un match très important, la supercoupe d’Albanie contre le Flamurtari de Vlorë, une équipe avec laquelle Korçë a beaucoup de rivalités et de tensions. J’ai marqué le seul but de la partie et on m’a élu l’homme du match. À partir de là, tout a commencé à aller mieux. Nous avons gagné plusieurs championnats et nous avons joué en coupe d’Europe, à Moscou, à Lisbonne. Je suis devenu l’un des éléments importants de l’équipe.

C.d.B. : Comment cela se passe avec tes coéquipiers ?

B.N. : Mes coéquipiers albanais sont gentils, mais dès que l’entraînement est fini, chacun rentre chez soi. Je fréquente surtout les internationaux de l’équipe. C’est très différent de ce que j’ai connu en Hollande ou en Afrique du sud. Je pense que cette mentalité vient de la fermeture que le pays a connu par le passé. Mais les choses changent et l’esprit s’ouvre petit à petit.

“« Tout le monde me connaît ici. »”

C.d.B. : Et comment fais-tu avec la langue ? Tu as appris l’albanais ?

B.N. : L’entraîneur nous parle en albanais et un joueur traduit pour nous, les six internationaux de l’équipe. Mais maintenant, je comprend un peu et cela me suffit pour vivre.

C.d.B. : As-tu eu des surprises à ton arrivée ?

B.N. : Quand je suis arrivé, mon coéquipier nigérian m’a facilité les choses car il était déjà sur place depuis un an. Les habitants de Korçë étaient très gentils, mais les problèmes sont arrivés après ce fameux tir au but. Ensuite, tout c’est amélioré, les gens se sont mis à m’adorer. J’ai été invité à la télévision pour parler de mon parcours et du Mali. Tout le monde me connaît, je suis assez célèbre. Pour le quotidien, rien de particulier. Par exemple, pour la nourriture, c’est méditerranéen et c’est à peu près la même chose que ce que je connais du Mali. Les Albanais mangent beaucoup de « pilaf », les Maliens aussi mangent du riz tous les jours (rires) !

C.d.B. : Comment occupes-tu ton temps libre à Korçë ?

B.N. : Je ne sors pas beaucoup, il n’y a pas grand-chose à faire. Je m’entraîne, je vais un peu au restaurant. Avec mes coéquipiers, on joue à la Playstation et on regarde les matchs des grands championnats européens. De temps en temps, quand on est libre, on va se balader à Tirana, faire du shopping, on va au cinéma. Ça dépend aussi du temps que nous laissent les entraîneurs, chacun a une méthode différente.

C.d.B. : Tu sais que les Albanais surnomment Korçë « le petit Paris d’Albanie » ?

B.N. : Oui, ils l’appellent comme cela, car même si c’est petit, c’est l’une des villes les plus jolies d’Albanie et les gens sont plus gentils ici qu’ailleurs.

“Une étape vers le Real.”

C.d.B. : Et financièrement, c’est intéressant pour toi de jouer en Albanie ?

B.N. : On ne peut pas comparer ce que nous touchons ici aux salaires des joueurs en Angleterre ou en France. Mais c’est bien, ils payent un salaire normal. Je ne mets cependant pas d’argent de côté, car je dois en envoyer à ma famille au pays.

C.d.B. : Quels sont tes objectifs pour la suite ? Est-ce que jouer en Albanie permet de te faire connaitre en Europe ?

B.N. : Mon ambition, c’est de jouer à Arsenal et après au Real Madrid. Je pense avoir les qualités pour jouer à Arsenal. Le football albanais n’est pas vraiment suivi en Europe mais quand on joue les coupes continentales, les équipes étrangères nous voient. J’ai fait de très bons matchs les années passées, certaines m’ont remarqué. Je devais être transféré en décembre, mais c’est tombé à l’eau à cause d’une nouvelle blessure.

C.d.B. : Tu devais quitter Korçë il y a quelques mois ?

B.N. : Oui, je devais être transféré au FK Krasnodar en Russie. Il y avait aussi le plus grand club du Kazakhstan qui était intéressé. J’ai passé quatre ans ici à Korçë. Pour moi c’est presque fini. Je vais tout faire cette année pour aller dans une autre équipe, afin d’arriver un jour à Arsenal et au Real Madrid.

C.d.B. : Donc il y a peu de chance de te revoir sur la pelouse du Skënderbeu la saison prochaine ?

B.N. : Normalement, mon contrat devait finir en décembre dernier. Je ne voulais pas le renouveler, car je devais partir. J’avais des contacts avec des équipes en Norvège ou au Portugal, mais les gens du Skënderbeu m’ont poussé à signer jusqu’en 2019. Ils ne voulaient pas me laisser partir gratuitement. Sur la photo officielle, tout le monde peut voir que je n’étais pas content (rires) ! Mais je ne pense pas être ici la saison prochaine, car j’ai un bon manager maintenant.

L’entretien original ici (abonnés).

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s