Kosovo-Serbie: un sommet à la Maison-Blanche sans grand espoir

A Mitrovica nord, graffiti refusant l’indépendance du Kosovo @ LS

Le Soir – 03.09.2020 – Article

Deux mois après son annulation, un sommet se tient ces jours-ci à la Maison-Blanche
entre les dirigeants serbes et kosovars. Le difficile « dialogue » visant à normaliser les
relations entre les ennemis d’hier devrait se poursuivre lundi à Bruxelles sous l’égide de
l’UE.

Ce devait être l’un de ses (rares) « big success » sur la scène internationale qu’il
voulait mettre en avant pour sa réélection. Régler l’un des principaux conflits
territoriaux du Vieux Continent et se poser en faiseur de paix efficace et acclamé, en
prenant de vitesse les négociateurs de l’Union européenne, enlisés depuis une
décennie dans des tentatives infructueuses. Mais il y a peu de chances que le
président américain, Donald Trump puisse brandir un historique « accord de paix
définitif » entre la Serbie et le Kosovo, après le sommet organisé à Washington ces
jours-ci.


A Pristina et encore plus à Belgrade, les dirigeants ont pris l’avion sans grand
enthousiasme et campent sur leurs positions. Selon son président, Aleksandar
Vucic, la Serbie n’est pas disposée à reconnaître l’indépendance de son ancienne
province, déclarée avec le soutien des Occidentaux en 2008. Les conseillers du
président américain ont dû revoir leurs ambitions à la baisse. Faute d’accord final
en vue, les objectifs de cette rentrée à la Maison-Blanche se concentrent avant tout
sur l’économie. « Les deux pays devraient d’abord conclure un accord économique
avec le gouvernement américain (cela signifie un soutien financier pour les deux
pays), et ensuite un accord [devrait être trouvé] entre le Kosovo et la Serbie sur les
aspects économiques de la future coopération lors de la mise en œuvre de l’aide
américaine », explique Emrush Ujakni, expert en droit européen.

La rumeur d’un « plan secret »

Et pourtant, l’envoyé spécial pour le dialogue entre la Serbie et le Kosovo, Richard
Grenell, n’a pas ménagé ses efforts ces derniers mois pour accomplir la mission
confiée par Donald Trump en 2018. Une diplomatie éclaire, brutale, menée surtout
en coulisses, qui a irrité les diplomates de l’UE, et fait chuter le gouvernement
kosovar sorti des urnes après les législatives d’octobre dernier. A Pristina, la rumeur d’un « plan secret », signé entre les présidents serbe et kosovar sous patronage américain, qui
redessinerait les frontières du Kosovo, n’a cessé d’alimenter les inquiétudes et les
oppositions. Mais le scénario est tombé à l’eau juste avant le sommet initialement
prévu le 27 juin dernier quand les Chambres spécialisées de La Haye chargées
d’enquêter sur les crimes de l’Armée de libération du Kosovo (UÇK) ont annoncé
leur décision d’accuser le président kosovar, Hashim Thaçi de « crimes contre l’humanité » et de « crimes de guerre ».


Deux mois après ce coup de théâtre, c’est le Premier ministre kosovar, Avdullah
Hoti, qui discute à Washington avec le président serbe, officiellement concernant le
transport et des questions énergétiques. Plusieurs responsables ont affirmé que la
question d’un échange de territoires n’était pas au menu des discussions et la
présence à ces réunions du locataire de la Maison-Blanche n’a pas été annoncée.
Après des mois de fortes tensions, les rivalités entre les diplomaties américaine et
européenne semblent perdurer. Comme sur d’autres dossiers, les Européens
espèrent beaucoup du résultat des élections du 3 novembre prochain outre-
Atlantique afin de retrouver une approche commune dans ces discussions
balkaniques.

Ces négociations sont en tout cas perçues avec méfiance par les opinions publiques
des deux pays, tant la légitimité des dirigeants actuels est contestée. Peu populaire,
le Premier ministre kosovar n’a pas été directement élu, et les dernières élections
serbes ont exposé la dérive autoritaire du président Aleksandar Vucic, mis sous pression par la droite nationaliste sur la question toujours très sensible du Kosovo. « Le problème de la légitimité démocratique du gouvernement du Kosovo est très débattu et je ne vois pas comment le gouvernement actuel peut faire avancer tout accord conclu avec les Serbes », s’inquiète Ermush Ujkani. « La situation est différente en Serbie, mais nous savons
tous comment l’actuel parti au pouvoir gouverne le pays où l’opposition, de facto,
n’existe pas. Les habitants de la région ont peur de la façon dont Vucic fait de la
politique, non seulement en Serbie, mais aussi de la façon dont il traite ses
voisins. » Ces laborieuses discussions devraient se poursuivre lundi 7 septembre,
cette fois-ci à Bruxelles, sous les auspices de l’UE.

L’article original sur Le Soir.

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